lundi 31 mai 2010

Les ports

Quel est l'aimant qui m'attire vers les ports ? Je n'aime pas la mer : j'en ai peur. J'aime les bords de mer, les dunes, le sable, la végétation qui s'y accroche, les oiseaux, l'odeur, mais j'ai beaucoup d'appréhension à poser mes pieds dans ce que je ne vois pas ! Je ne suis pas bonne nageuse, je n'aime pas faire de la voile, je ne sais pas ramer.

Bon, d'accord, j'aime le poisson et les fruits de mer ! J'adore les gargottes où l'on mange les pieds dans le sable avec le doux clapotis des vagues, ou les tavernes bruyantes en bordure des quais...

Irrésistiblement, je suis attirée par les ports et leur odeur poisseuse : graisse de machine, poisson, eau stagnante. Je marche dans les chantiers navals, enjambant des filins, des rails abandonnés, admirant des machines rouillées dont je ne connais pas l'usage.

mercredi 26 mai 2010

Mêl'Ancolie

 
Ancolie, filigrane de mon jardin ... Ses feuilles de soie jade s'agitent doucement dès le premier souffle printanier, toutes de finesse dans les tulipes rustiques. Elles cachent leur secret sous un brouillard mouvant de feuilles légères.

 Les hampes rigides vont jaillir soutenant de clochettes ouvrées, telles de petits casques volontaires. Sous les éperons charnus, les ailes se déploient, alors que les étamines sont bien protégées.

Gentille Colombine, petit elfe, qui va et vient dans le jardin, au gré de ses graines éparpillées par les brises ...


 
Mais c'est une fausse innocente... S'il faut se mettre à genoux pour regarder son coeur, il ne faut pas s'imaginer qu'elle va se faner au premier regard. Elle va s'agiter sous les pluies, courber sous le vent, mais elle résistera. Sa racine la maintient fermement accrochée là où elle s'est semée, et nul ne peut la faire changer d'avis : elle dépérirait au moindre voyage ... Elle seule choisit l'endroit où elle veut vivre !


Elle joue encore avec le vent, lorsque ses fleurs, devenues cosses, tintinnabulent gonflées d'une promesse de floraison dont elle seule connaît le coloris. Elle est comme une chatte : nul ne peut deviner la couleur des petits de l'ancolie : bleus, mauves, violets, roses ou blancs ?

lundi 24 mai 2010

Oléron, entre mer et marais

C'est une île ... pas très au large, de l'autre côté du chenal ... Elle n'est pas très grande, mais elle m'est chère par le dépaysement qu'elle m'apporte. Famille et amis m'y font revenir souvent ... 
J'aime longer les plages de sable jonchées de pierres que la mer a roulées. A marée basse, avancer dans les terres que la mer vient de quitter, enjambant les flaques qu'elle a laissées derrière elle, glissant sur les algues qui recouvrent les pierres, dans l'odeur iodée et le vent fort.

Dans la dune, suivre les sentiers sous les pins crissant d'aiguilles, réveiller par nos pas l'odeur épicée des plantes, les jambes fouettées par les herbes qui noient parfois le chemin qui nous mène à la plage, et nous en éloigne encore, comme la mer joue avec les vagues.

vendredi 21 mai 2010

Jardins, jardinières

La chaleur revient, les pluies s'espacent, c'est une période de grande activité au jardin de Gine. Plantations, semis, les tâches s'enchaînent, les maux de la jardinière aussi, mais dans le bonheur de trouver une terre légère, qui sent bon, de compter les boutons, promesses de fleurs, de découvrir les rescapées du froid, qui pointent sous les feuilles des plantes plus avancées. Non, la pluie n'a pas abîmé le pommier décoratif, les fruits se forment déjà. Non, les limaces n'ont pas encore découvert les hostas. Tiens, l'hélianthème qui avait souffert a pris du poil de la bête. Oh ! les premiers boutons de l'hémérocalle ... Ah, il faudra que je pense à la diviser celle-là, un peu plus de soleil lui ferait du bien . Ce pissenlit, je le garde ou ... attendons demain, j'aurai le temps de le cueillir avant qu'il ne se ressème.
C'est une comptine cent fois reprises, qui occupe heureusement l'esprit pendant que les mains s'activent.


En fin de journée, quand la fatigue envahit  le corps et l'esprit, une voisine passe. Devant une boisson, nous discutons ... de fleurs, de jardins, de tout, de rien, de notre vie !
Une jardinière émérite a écrit un très beau texte qui m'a trouvé le coeur. Elle a eu la gentillesse de me permettre de le citer ici.
Amie de fleur, amie de coeur
Rendez-vous plein de douceur,

Conversation de vie , de fleurs
Les sensibilités se croisent , se frôlent
Puis se reconnaissent et s’enrôlent
Dans les coeurs , plein de délicatesse

Dans les yeux , la même tendresse
Amie de fleur devient amie de coeur,
Sans ambiguïté , complicité de femme
Autour de la vie , autour de l’âme
Rencontre au delà de l’écran , du café
Où même les arômes riment avec intensité,
Amie de fleurs devient amie de coeur.
Texte de Véro des Roses

mardi 18 mai 2010

La rosée

J'aime marcher pieds nus, vous le savez déjà, je pense. Mais ce que j'aime par dessus tout, c'est fouler le gazon, le matin tôt, quand il est encore humide ...
Quitter la chaleur nocturne de la maison, dans l'air vif, sous le ciel bleuté de l'aube. Un petit frisson me saisit, déjà mes pieds sentent les premiers brins un peu chatouilleurs, un peu piquants. J'avance, en regardant le jardin s'éveiller.


La rosée, fine brume légère, a enfilé un collier de perles sur la toile de l'araignée. Elle a posé des bijoux miniatures au creux des feuilles de l'alchémille, sur le poil de la consoude, et dans le coeur de l'euphorbe. Confettis de lumière, traces du passage d'une fée ...
Une limace va son chemin, laissant derrière elle une traînée de bave luisante, telle une comète qui subit la pesanteur de l'attraction terrestre ... Les insectes ne bourdonnent pas encore, pourtant je sens déjà le parfum du lilas.
L'air vibre, le ciel s'éclaircit lentement, le soleil lance de grands coups de pinceaux roses depuis la montagne au loin, la journée s'annonce radieuse. D'ailleurs, la grive le répète inlassablement dans la forêt.
Mes orteils heurtent un turicule visqueux et la répulsion me saisit. Je sens le froid me battre les chevilles et je me réfugie sur le pavage, contente de retrouver le contact sec et rêche du ciment..

lundi 17 mai 2010

Au fond des bois

Décider d'une promenade pour voir le jaune des colzas, le vert des hêtres mêlé au vert des conifères ... et peut-être quelques fruitiers en fleurs, les retardataires.
Partir, légers, soulagés de quitter le cocon qui nous a abrités pendant les intempéries ! Sans but, au hasard des routes ... Comme la campagne a changé pendant que nous bloguions et rongions notre frein derrière les fenêtres battues par la pluie ! Les colzas ont "tourné", leur jaune n'a plus la même intensité ... Les aubépines blanchissent timidement, mais les champs sont scandaleusement verts. Les vaches broutent avec assiduité, trop contentes de goûter l'herbe nouvelle.
Nous grimpons un sentier bordé de pissenlits, de graminées, puis, sous la futaie, de pervenches et de clématites. L'air vibre d'humidité et les cailloux roulent sous nos pas. Nous nous arrêtons pour souffler et dans le silence, un appel retentit : c'est le coucou !
Inlassable, son chant résonne et nous accompagne jusqu'à la vieille tour médiévale cachée au sein de la forêt.
L'endroit est magique, hors du temps. Mélusine, hennins, fées, l'imaginaire s'emballe. Les grands chênes gardent la tour et les éboulis du village antique.
Quand sur la tour, un chêne plus jeune s'accroche de son pied monstrueux ... quelle dryade l'a protégé pour qu'il puisse y vivre ?

Le coucou chantait-il ainsi au 12e siècle, et quelqu'un l'a-t-il écouté, le coeur apaisé, comme nous en ce moment ?

jeudi 13 mai 2010

Z'avez vu ?

J'ai changé de couleurs, comme on change de jeans, un jour d'humeur fantasque !
Bien sûr, je n'ai pas quitté la gamme de l'améthyste, si chère à mes sens. J'espère que mon blog vous plaira encore, maintenant qu'il a quitté le rose de l'enfance qui ne m'avait jamais satisfait. La chrysalide est tombée et le papillon peut s'envoler.

Voilà la gamme des teintes retenues ou non !

mardi 11 mai 2010

Le journal

A l'ère du journal électronique, je reste attachée au journal de papier. J'aime aller chercher "mon" journal dans la boîte à lettres, pieds nus, le chant matinal des oiseaux troublant seul le lever du jour ... Le quartier dort encore, aucun bruit de voiture ...
Le crissement du papier, légèrement humide, la lecture du coin de l'oeil de la une, le bruit de la machine et enfin l'arôme du café qui se mêle à l'odeur du journal. Une pause, juste le temps de savourer la première gorgée et de regarder la photo... Puis mes doigts palpent le papier familier, tournent les pages et je suis  complètement absorbée par la lecture et les réminiscences qu'elle crée, le nez humant l'exhalaison poisseuse de l'encre qui masque presque l'odeur du papier, plus fade. Mes doigts se tâchent parfois, à la faveur d'un imprimé plus dense. Attention à ne pas se toucher le visage, dans un tic de concentration !
C'est un premier survol des nouvelles, quelques articles retiennent mon attention... j'y reviendrai plus tard. Le temps est suspendu, les autres sens anesthésiés. Puis, le café est fini, le journal replié, long soupir : la journée peut commencer !
Il y a d'autres endroits pour lire le journal, et j'aime particulièrement m'asseoir à une terrasse de bistro, au soleil, jouir de la chaleur, et feuilleter distraitement les rubriques : l'odeur de l'encre est plus ténue, plus sèche, le papier plus crissant, comme si les lecteurs précédents les avaient usés. Je lève souvent les yeux, je suis distraite, par un éclat lumineux ou sonore, par les passants, par la circulation. Mais c'est encore là une bulle de bien-être.
Au fond, les nouvelles n'ont pas tellement d'importance dans ces premiers instants ... Elles se déversent en vrac et seule la deuxième lecture me permettra de les assimiler et de les trier.

samedi 8 mai 2010

Un vase, un bouquet

Qui n'a JAMAIS reçu un bouquet de fleurs et été embarrassé par le choix du vase ?
Qui a TOUJOURS le vase au format adéquat à la forme du bouquet ?
Lasse d'avoir des bouquets de bric et de broc, pas trop équilibrés, j'ai décidé de me donner les moyens de ma passion : direction les brocantes ! Depuis, j'en ai pas mal accumulés de ces vases, en verre, en porcelaine, avec ou sans histoire, avec l'étiquette encore, ou avec le cercle de calcaire dénonçant la négligence de leur ancien propriétaire, pour la plupart payés à un prix dérisoire ... Certains achetés dans le doute, sans voir quelle fleur pourrait leur convenir, d'autres au coup de coeur, sans réflexion ! Finalement, je compte sur les doigts d'une main ceux qui ne m'ont jamais servi. La centaine d'autres m'a été très utile plusieurs fois, déjà.
On serait étonné de voir que les plus chers ne sont pas les plus solides ! Grande "casseuse", j'ai brisé des petits bijoux et de somptueux verres ... Je remplace, même si je ne retrouve jamais l'objet perdu ...

Voilà le petit dernier, verre lourd, couleur turquoise improbable... De retour chez moi, j'ai fait le tour du jardin. J'y ai cueilli de la Chataire, de l'Ibéris, de la Monnaie du Pape, une Tulipe Attila, quelques feuilles d'Heuchère et de Spirée.
Mes anciennes compositions, ici

jeudi 6 mai 2010

Lilas


Le Lilas, prince du printemps ...

Sa fleur nous est tellement familière, tellement intime, que l'on oublie parfois son opulence ...
Hors sa "belle" saison, on ne le remarque pas. Mais au printemps, il est dans toutes les têtes, et dans toutes les haies - pour ne pas dire dans tous les nez !
Il ne dure pas longtemps, mais cet ephémère ne se laisse pas oublier ... Son parfum nous parle de moments doux, du chant du rossignol, de crépuscules bleutés...

Beaucoup y sont sensibles, poètes et peintres l'ont glorifié !



Il a foutu le camp, le temps du lilas,
Le temps de la rose offerte,
Le temps des serments d'amour,
Le temps des toujours, toujours.
...
Ne reste pas là, va t'en le cueillir.
Il passe et puis adieu Berthe.
T'en fais pas pour moi : j'ai mes souvenirs
Du joli temps du lilas...


Peinture de Manet
Texte de Barbara


J'avoue en avoir souvent chapardé une fleur - oh ! respectueusement, en coupant la branche avec un couteau, sans abîmer l'arbre - pour parfumer la chambre et sentir sa couleur vibrer au coeur de chez moi, alors que je n'avais pas de jardin.

Mais, on parle toujours de brassées de lilas ! et comme il préfère qu'on le taille après la floraison, je joins l'utile à l'agréable : je fais des vrais bouquets ! Simples, ou mêlés ... Je les préfère dans ce vase boule ...



et je pardonne aux chapardeurs - délicats - qui se servent dans ma haie. Je n'y peux résister, comment le pourraient-ils ?

dimanche 2 mai 2010

Coquelicots et pavots


Coquelicot ou pavot : plante mythique qui entraîne l'imaginaire dans un dédale de pensées heureuses avant de le mener à la tragédie du sang.


Les poètes l'ont encensé : c'est une bouche, un baiser, sa marque sur la peau, près du coeur, couleur de l'amour, couleur du sang, une blessure mortelle enfin. Les peintres et les photographes ont immortalisé sa fragilité, sa rutilance, sa multitude.


Tel un long ruban rouge, le coquelicot nous accompagne,
de l'enfance par la rengaine jolie tant de fois ânonnée :
Je suis descendu dans mon jardin
Pour y cueillir du romarin
Je n'en avais pas cueilli trois brins
Qu'un rossignol vint sur ma main
Gentil coquelicot, Mesdames
Gentil coquelicot nouveau





à l'âge adulte par la chanson de Mouloudji, sur un texte de Raymond Asso,
qui commence si joliment
Le myosotis et puis la rose
Ce sont des fleurs qui disent quelque chose
Mais pour aimer les coquelicots
et n'aimer que ça ... faut être idiot !








Dérivé du coq par sa couleur, il est présent dans les légendes et dans l'inconscient collectif depuis des millénaires. Connu dans les jardins médiévaux pour soigner l'insomnie ou l'anxiété, il est apprécié aujourd'hui encore, en tisane pour libérer du stress ou apporter le sommeil.

On ne peut pas parler du coquelicot sans penser à son cousin, le Pavot somnifère, si bien nommé pour l'oubli ou le réconfort apporté par sa résine depuis des millénaires à l'humain désorienté. L'opium si fascinant dont le seul nom laisse un goût amer et collant dans la gorge.
.
Le pavot oriental dans les jardins, lui, est raidi par son importance, sa couleur éclatante ne permet pas d'oublier qu'il est impossible à déplacer ou à déraciner sans bouleverser l'ordre établi.
Il est plus subtil lorsqu'il est pavot somnifère, fleur rose, feuillage bleuté, capsule pruinée : il cache bien son jeu, le maître absolu de tant de destinées.

Comment, sachant la longue histoire de cette famille, tombé-je sous son charme à chaque rencontre ? J'oublie tout, je regarde le lutin coloré danser dans l'air printanier.  Plein de grâce, léger et folâtre, il semble fragile, mais sa racine le maintient solidement au sol et sa graine lui garantit la pérennité.

Encore quelques portraits ...

samedi 1 mai 2010

L'artichaut

Longtemps, il m'a narguée ! Si dodu, si graphique, si tentant ... Je le goûtais, régulièrement, espérant pouvoir changer d'avis. A chaque essai, je ne sentais que le goût de la paille humide, écoeurant, les sauces et les préparations n'y pouvant rien...
Jamais, je ne l'ai oublié, bien trop titillée par sa beauté. Pendant des années, je l'ai suivi, à toutes les saisons. Je l'ai admiré en feuilles, déjà graphique, puis en pomme, tellement parfait, puis en fleur, éblouissant dans sa robe mauve frangée,
dans les champs de culture si échevelés et sur les étals des primeurs si bien alignés.

En bouquet, pourquoi, pas ?
Et soudain, l'année passée, après une ixième tentative, une goût nouveau et fugace a surpris mes papilles : j'ai découvert ce qui pouvait ravir les amateurs de ce si beau végétal...
Au marché, j'ai craqué devant le vert céladon et la rondeur de sa tête. Vapeur, avec une mayonnaise légère, je l'ai dégusté et tellement aimé que j'en garde encore le souvenir de sa saveur en bouche.