jeudi 28 octobre 2010

Chêne

C'est un petit jeunot ... déjà bien haut pour mon petit jardin ... Planté trop près des maisons, dans une zone dite "habitat groupé", il a le pied en bordure de notre propriété et la tête qui ombre deux jardins ... Il est encore là par notre farouche volonté : s'il n'a que des qualités esthétiques, on peut discuter sur son utilité entre deux petits jardins ...
Pourtant, en vingt ans, nous l'avons vu grandir, prendre de l'assurance, étendre sa ramure ... et nous saupoudrer allègrement de ses belles feuilles cuivre dès les mois d'octobre venus. Depuis quelques années, les glands sont plus nombreux, et si l'on peut s'amuser du fracas de leurs chutes, il faut craindre, au petit matin, de poser le pied nu sur la touffe d'herbe qui les cache : sursaut et douleur assurés !

J'admire son tronc, encore très lisse, ocelé de blanc ... J'aime y poser la main, je crois l'entendre respirer ...Un lierre en part à l'assaut, mais il a de la peine à s'y aggriper ... Les radicelles de ce géant en devenir envahissent toute la plate bande à son pied et il s'agit de gratter, de dégager, pour essayer d'y faire survivre quelques plantes ... C'est un vorace et un égoiste : il doit grandir ... et tant pis pour les petits, là en-dessous.

 Dès le printemps, nous guettons ses chatons rosés, ses feuilles si finement découpées, d'un vert si tendre qu'on ne peut imaginer qu'elles deviendront si cuivrées ... Premier arbre important à quelques dizaines de mètres de la sortie de la forêt, il est un point d'arrêt obligé des oiseaux : sitelles, pics, geais, pies, mésanges à longue queue, mésanges huppées - le nombre de ses visiteurs est impressionnant.
Pas un jour je ne me lève sans lui jeter un coup d'oeil, m'assurer de sa belle prestance, de son humeur ... et au fil des saisons, je le sais là, qui m'attend.


Très austère en hiver, à l'automne il est comme un feu follet, toutes couleurs dehors ... et au moindre vent, il fait crouler un tapis moelleux sur le salon du jardin ...
 
C'est un compagnon de "longue durée". Il façonne le jardin, et toutes les plantes subissent sa loi. Nous-mêmes, nous nous déplaçons au gré de son ombre, pour jouir de la légèreté de ses frondaisons élevées ou bénéficier de la fraîcheur de la densité de ses feuilles.

mardi 19 octobre 2010

En montagne ...

Au milieu de l'après-midi, lassés d'être sous le brouillard, nous embarquons pour une balade qui nous permettrait d'échapper à la grisaille ... Il paraît qu'il fait beau "en haut" ! On y croit à peine, tant l'air humide et froid nous transperce ... La route étroite monte, en serpentant, et nous devons souvent nous ranger pour croiser avec d'autres véhicules : où ont-ils été, tous ces gens ? Dans les alpages, eux aussi ?
Lentement, sous le couvert des grands arbres, des écharpes blanches se déroulent, poussées par un courant invisible ... Les premiers rayons de soleil percent et éclairent les cimes des hêtres, allumant le roux ! Puis, enfin, ils nous atteignent, se glissant entre les fûts, créant des paysages extraordinaires...


Quand nous arrivons sur la première crête, le soleil est là ! Oh, l'air est froid, le vent est soutenu, mais  nous sentons sa chaleur nous imprégner ... Sans hésiter, nous partons d'un bon pas sur le chemin caillouteux. On entend des cloches de vaches, très loin ... Quelques oiseaux pépient ... Très rapidement, le souffle commence à manquer. Partis trop vite ?

Le chemin devient sentier et grimpe rudement dans la forêt, à l'abri du soleil. Tout l'esprit est concentré sur chaque pas, pour ne pas glisser dans la boue ou sur un caillou humide. Vingt cinq minutes de montée nous attendent, et entraînée comme je le suis, je sens déjà la crampe dans le mollet, les poumons qui brûlent. Pas le temps de voir les mousses et les lichens, à peine le temps de remarquer une fougère inconnue, lors des pauses "pour respirer" de plus en plus fréquentes. J'entends des oiseaux, sous le couvert, mais je ne les vois pas ... Les vingt cinq minutes sont largement dépassées et nous sommes toujours sous les arbres, le sentier devenant de plus en plus abrupt et incertain et la crête paraissant de plus en plus lointaine. La rage me prend : "plus jamais", je le jure, je partirai sans connaître le chemin, sans prendre une carte ... une certaine inquiétude pointe : et si le brouillard montait brusquement, comment s'y retrouver ? Sommes-nous égarés ? Nous n'avons rencontré personne, malgré le nombre de voitures parquées. Je gamberge, furieuse, les poumons en feu, le nez qui coule, les jambes qui tremblent ...  Je crois haïr la montagne ...


Enfin, nous arrivons sur un alpage, bien dégagé, et ... récompense : la mer de brouillard s'étend là, sous nos pieds, et plus haut encore, là-bas, le chalet nous attend. Malgré le vent pointu, c'est en sueur que nous nous affalons sur quelques grosses pierres pour admirer la couche ouatée qui enrobe le paysage. De l'autre côté, les montagnes se découpent avec précision sur le ciel et les ombres s'allongent déjà ... La lumière est limpide. Nous prenons enfin le temps d'observer quelques corneilles luttant dans le vent, les chardons séchés par le soleil, et quelques fleurettes d'automne ...


Des randonneurs, plus aguerris que nous - à voir leur équipement et  leurs mollets glabres et bronzés - discutent à l'intérieur du chalet. Nous nous installons à l'extérieur, sur la terrasse de bois, collés au chalet pour échapper au vent et ... c'est le solarium ! Le cafetier est jovial, il écoute des chansons françaises des années 70 et il se raconte sa jeunesse. On rit ... on admire, on déguste le vin de la région, enfin d'en bas ...
Comme la montagne est belle !


C'est d'un pas plus léger que nous repartons par un chemin plus facile - mais moins beau, nous dit-on. Je dois avouer que toute à mon effort je n'ai pas apprécié la beauté tant vantée de la montée. Mais la descente fut aisée et sans inquiétude : le brouillard suivait les fonds des vallées... Nous étions tout baignés de l'or de cette fin de journée et c'est le coeur joyeux, malgré les pieds douloureux, que nous sommes retournés en plaine.


Combien de fois ai-je juré que l'on ne m'y reprendrait plus ? Mais ... les instants de pur bonheur, dans l'air de la montagne, me font oublier les efforts désespérés que je fais pour m'élever !

mardi 12 octobre 2010

La journée des méduses

C'était la journée des méduses ... mais je ne le savais encore pas ! Sur l'arbre, l'étourneau s'égosillait, tout fier d'être si haut perché, dans l'air un peu vif de ce matin ensoleillé.


La plage s'ouvrait devant nous, miroitante. Et nous envisagions déjà de lâcher les sandales et de marcher à la lisière de l'eau, pour apprécier le massage de la vague. La marée remontait,  mais elle était encore loin ... La plage était longue.


Et ... stupéfaits, nous constatons que le sable est jonché de méduses échouées ! Des grosses, des petites, transparentes, opaques, ocres, turquoise, violettes ...



Répulsion, fascination... à perte de vue. Pas question de se déchausser, ni même de marcher le nez en l'air ! La plage était envahie de ces disques gélatineux, boursouflés, grotesques. Et moi, j'étais complètement ébahie par cette nouvelle facétie de l'univers marin, que je considère encore avec méfiance, tant je le trouve étrange et effrayant.


Finalement, l'admiration l'a emporté, et j'ai détaillé les dentelles violettes, les friselis des tentacules. Les globes siliconés nous ont fait rire. On aurait dit que le réservoir d'une usine de prothèses mammaires avait lâché.


Quelle hécatombe ! Les questions se bousculent : quelle est la fréquence de tels phénomènes ? Comment vivent les méduses ? Sont elles destinées à se laisser charrier par les vagues ? Meurent-elles avant d'échouer ? D'ailleurs, sont-elles bien mortes ? Combien de temps ça tient hors de l'eau ? J'observais longuement une bête entre deux eaux, mais rien ne m'indiquait qu'elle était vivante ...


Nous ne pouvions nous détacher de ce spectacle, en essayant d'imaginer comment ces tas pouvaient évoluer et retrouver un semblant de dignité, voire même de beauté,  dans les courants marins.

Bref, ce jour-là, la balade à la plage ne fut pas ce que nous attendions, mais les photographes ne furent pas déçus !

Pour la voir en meilleure posture et en savoir plus
 http://fr.wikipedia.org/wiki/Rhizostoma_pulmo

dimanche 10 octobre 2010

Coing


Le coing, ce gros lourdaud joufflu, dur comme un caillou, est un fragile ... Il n'a pas le coeur tendre, non, mais sa peau fine éclate au moindre coup et se marque d'hématomes bruns. Pourtant, il pousse en hauteur, difficile à atteindre, malaisé à cueillir par son poids, par sa grosseur ... et quand il tombe sous la maturité, il se blesse pour pourrir rapidement dans l'herbe un peu haute de l'automne.



J'aime le cognassier pour sa floraison délicate et parfumée ... et pour jouir chaque année de ce miracle, j'ai planté un arbre haute tige dans le jardin. Comment une fleur si fine, si distinguée, peut-elle donner naissance à ce monstre ? Les branches ploient sous le poids des fruits, mais les branches résistent et se délestent, poire après poire, au premier passage d'oiseau ... dans un fracas subit qui fait sursauter le chat.


Bon an, mal an, je fais dix kilos de gelée pour utiliser une partie de cette récolte. Or, je ne mange que très peu de tartines ... J'offre des bocaux à qui en veut ... personne n'acceptant les fruits - pourtant fort chers - la préparation paraissant trop ardue et bien fatigante. Il est vrai que ce n'est pas facile de couper le coing en quartiers et qu'il faut s'armer d'un coupe-coupe pour réussir à le partager. Mais ensuite, ce n'est que du bonheur : dans l'odeur doucereuse du suc qui cuit, la maison sent l'hiver et la fête !

Je m'ingénie à trouver des recettes pour utiliser toute ma production, sans trop de travail, ce qui n'est pas évident ! A la marocaine, avec de la viande d'agneau, à l'autrichienne, avec de la viande de porc : aucun succès ! Mais en dessert ? A la cannelle, en purée, en quartiers, en sorbets ...

mardi 5 octobre 2010

Retour au jardin

Je suis revenue ! Après avoir admiré le lever du soleil, nous avons repris la longue route du retour !

Le ciel, au moment du départ
 Pourquoi, malgré le plaisir de revenir chez soi, le retour paraît-il toujours plus long que l'aller ? Pourtant, si j'aime partir, j'aime aussi le retour. Retrouver le chat - boudeur, un peu - le jardin - fouillis, beaucoup. Les bagages à la main, traverser le jardin en osant à peine regarder les floraisons, les tiges cassées par le vent, ouvrir la maison, humer son odeur un peu renfermée, presque étrangère tout à coup.
Voilà la chatte Seita, alertée par le bruit, un peu distante quand même, ne supportant qu'une courte caresse. Lentement, je m'installe en défaisant quelques sacs ... rien de plus. Un petit whisky, traditionnel lors des grandes fatigues, et lecture du courrier, la tête bourdonnante de tant de paysages admirés. J'aime ce moment ...


Ce n'est que le lendemain que je ferai le tour du jardin, attirée par les couleurs chaudes du chêne en train de "tourner". Un sécateur à la main, je commence par couper les fleurs fanées, ramasser quelques feuilles ... et j'admire ! Oui, le jardin a été bien arrosé pendant mon absence, non, rien n'est mort, il n'y a qu'à nettoyer ... et préparer pour l'hiver.

Alors, j'admire les grosses têtes de dahlias qui ont fleuri si tardivement cette année, quelques rosiers qui sont remontés, les brassées d'asters lumineux, une clématite qui a fleuri pendant mon absence.




Seita me suit, pas à pas, jouant avec une punaise qui a malencontreusement glissé, avec une feuille de bambou tourbillonnante. Elle n'oublie pas de venir quémander un peu d'affection en se frottant à mes jambes, puis elle s'assied, un peu à l'écart, trouvant sans doute que je m'agite beaucoup ...



Les heures s'égrènent, et devant l'ampleur de la tâche, je ne rechigne pas à tailler, à nettoyer ... sans oublier de visualiser les endroits où je pourrai ces prochains jours glisser quelques bulbes.


J'ai quitté mon jardin un peu fatigué d'un été en dents de scie, et je le retrouve dans la splendeur lumineuse de l'automne ...
C'est cela aussi la joie du retour :  reprendre possession de son domaine !