C'est un petit jeunot ... déjà bien haut pour mon petit jardin ... Planté trop près des maisons, dans une zone dite "habitat groupé", il a le pied en bordure de notre propriété et la tête qui ombre deux jardins ... Il est encore là par notre farouche volonté : s'il n'a que des qualités esthétiques, on peut discuter sur son utilité entre deux petits jardins ...
Pourtant, en vingt ans, nous l'avons vu grandir, prendre de l'assurance, étendre sa ramure ... et nous saupoudrer allègrement de ses belles feuilles cuivre dès les mois d'octobre venus. Depuis quelques années, les glands sont plus nombreux, et si l'on peut s'amuser du fracas de leurs chutes, il faut craindre, au petit matin, de poser le pied nu sur la touffe d'herbe qui les cache : sursaut et douleur assurés !
J'admire son tronc, encore très lisse, ocelé de blanc ... J'aime y poser la main, je crois l'entendre respirer ...Un lierre en part à l'assaut, mais il a de la peine à s'y aggriper ... Les radicelles de ce géant en devenir envahissent toute la plate bande à son pied et il s'agit de gratter, de dégager, pour essayer d'y faire survivre quelques plantes ... C'est un vorace et un égoiste : il doit grandir ... et tant pis pour les petits, là en-dessous.
Dès le printemps, nous guettons ses chatons rosés, ses feuilles si finement découpées, d'un vert si tendre qu'on ne peut imaginer qu'elles deviendront si cuivrées ... Premier arbre important à quelques dizaines de mètres de la sortie de la forêt, il est un point d'arrêt obligé des oiseaux : sitelles, pics, geais, pies, mésanges à longue queue, mésanges huppées - le nombre de ses visiteurs est impressionnant.
Pas un jour je ne me lève sans lui jeter un coup d'oeil, m'assurer de sa belle prestance, de son humeur ... et au fil des saisons, je le sais là, qui m'attend.
Très austère en hiver, à l'automne il est comme un feu follet, toutes couleurs dehors ... et au moindre vent, il fait crouler un tapis moelleux sur le salon du jardin ...
C'est un compagnon de "longue durée". Il façonne le jardin, et toutes les plantes subissent sa loi. Nous-mêmes, nous nous déplaçons au gré de son ombre, pour jouir de la légèreté de ses frondaisons élevées ou bénéficier de la fraîcheur de la densité de ses feuilles.